Jean Mauret vient de décéder à Saint-Hilaire-en-Lignières, où il était installé depuis 1969. Fils et petit-fils de peintre verrier, Jean Mauret a fait ses gammes en jouant avec les verres de couleurs de l’atelier paternel. Il a ensuite suivi les cours des écoles des beaux-arts de Nancy puis de Bourges, pour se former à la sculpture. Installé dans le sud du Cher, il revient progressivement au vitrail au début des années 1970, en délaissant un peu la sculpture.

Il entame alors une démarche de recherche et d’expérimentation, poursuivie tout au long de sa carrière, dont témoignent plus de 600 panneaux d’essais conservés dans son atelier. Cherchant à alléger la technique traditionnelle, il supprime les étapes de la maquette et du carton, mais prépare à l’avance des feuilles de verre, blancs, noirs, ou de couleurs, parfois opalescents, qu’il peint à la grisaille, qu’il grave ou qu’il teint au jaune d’argent. Il les découpe ensuite à mesure qu’il assemble ses panneaux. Ceux-ci ménagent quelquefois des trous dans les compositions pour amener la lumière pure. Un tel processus permet à l’artiste de conserver une grande liberté de création.

L’administration des Monuments historiques lui confie très vite des restaurations de verrières anciennes, et il collabore très tôt avec le Laboratoire de recherche sur les Monuments historiques. Parmi, plus de 300 chantiers, nombreuses sont les cathédrales où il est intervenu, Bourges, Lyon, Chartres, mais aussi des édifices plus modestes ou moins connus comme l’ancienne abbatiale de la Trinité à Vendôme, la Sainte-Chapelle de Vic-le Comte (Puy-de-Dôme) ou le temple Saint-Étienne de Mulhouse.

En 1976-1977, la collaboration avec l’artiste Jean-Pierre Raynaud sur le chantier de l’abbaye de Noirlac marquera durablement son style personnel. D’autres œuvres collaboratives suivront, avec Gottfried Honegger pour les vitraux de la nef haute et de la crypte de la cathédrale de Nevers (1991-1996), avec Jan Dibbets à la cathédrale de Blois (1994-2000), et enfin avec Shirley Jaffe pour les verrières de la Funeraria de Perpignan (1998).

Malgré ces chantiers prestigieux, Mauret demeure un artiste attaché à défendre la profession contre la mainmise des peintres. C’est en ce sens qu’il rejoint le groupe Hyalos en 1976, avec qui il participe à de nombreuses expositions de groupe. Ses créations personnelles, répartis dans plus de 120 édifices, sont marquées par des compositions riches où les accords de couleurs s’équilibrent avec le blanc, où le travail sur le dessin du réseau de plomb imprime une rythmique particulière. Le service des Monuments historiques lui a souvent confié des créations de verrières neuves (baie d’axe de de la prieurale de Souvigny, 1982), ou des vitraux d’accompagnements de fragments anciens (crypte de la cathédrale de Bourges, où il enchâsse les parties rescapées du décor de la Sainte-Chapelle de Bourges, érigée par Jean de Berry à l’extrême fin du XIV^e siècle, dans des compositions élégantes et claires, 1983-1986). Cet ensemble d’une exceptionnelle qualité, respectueux des vitraux anciens tout en s’écartant de l’illusionnisme, constitue un modèle du genre.

Le style de Jean Mauret, ou plutôt cette écriture singulière, s’adapte parfaitement aux églises médiévales. Il souligne le tracé des arcs et utilise des lignes orthogonales où la couleur joue avec parcimonie : ces dispositifs qui concentrent le regard et la lumière se retrouvent, entre maints autres exemples, dans le Cher (Corquoy, Vesdun), l’Indre (Saint-Benoît-du-Sault) ou la Vienne (Saint-Pierre de Chauvigny, Prieuré de Villesalem à Journet).

En 2006, Mauret a fermé son atelier et cessé les restaurations pour s’occuper uniquement à la création. En 2009, il avait ouvert la Grange aux verrières, un lieu d’expositions et d’échanges consacré au vitrail contemporain. Ce chemin artistique et spirituel exigeant s’est achevé le 31 juillet dernier. De nombreux chercheurs se souviendront longtemps de leur visite à l’atelier de Saint-Hilaire, de l’accueil chaleureux qu’ils y ont reçu à l’occasion d’une critique d’authenticité ou du dépouillement d’un dossier d’archives.

Sources :

Valérie Mauret-Cribellier, Jean Mauret, créateur de vitraux. Un atelier de peintre-verrier, Lyon, Lieux dits, 2019 (Collection « Images du patrimoine », n° 310).

Georges Mérillon, Le vitrail de Jean Mauret, Saint-Firmin-des-Prés, Éd. la Grange, 2011.Jean Mauret, Vitraux 1970-2000 [catalogue d’exposition, Curzay-sur-Vonne, musée du vitrail, 15 mars 2001 – 15 mars 2002], Curzay-sur-Vonne, Musée du vitrail, 2001.

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